L'oeuvre du mois - juin 2013

Découverte fortuitement vers 1859 à Condat-sur-Trincou (Dordogne) par un laboureur, cette sculpture incomplète est encore marquée au dos par les sillons de charrue.

Il s'agit de la représentation d'un dieu tricéphale de type gaulois, mais d'époque romaine, identifié à Jupiter. Sa face principale s'accompagne de deux plus petites situées sur les côtés, de profil, au-dessus de chaque épaule. Toutes les trois sont bouclées, moustachues et barbues, mais avec une barbe et une expression différentes.

La tête principale rappelle celle de Cernunnos car elle comprend au sommet deux évidements profonds distants de 4 cm pour l’insertion de cornes aujourd’hui disparues. En effet, Cernunnos est un dieu à ramures de cerf, et c’est ainsi qu’on appelle par extension tous les dieux cornus, sans savoir avec certitude absolue s’il s’agit d’un simple qualificatif ou, par suite, du nom du dieu celte, car aucun texte ancien ne nous éclaire sur cette divinité d’origine gauloise. Les ramures de cerf étaient en tous cas une marque distinctive honorifique.

D'après Hervé Gaillard¹, le visage de gauche pourrait représenter Taranis, et celui de droite Esus. Dans les trois faces, le creusement des pupilles devait être comblé avec de l’émail ou de la pâte de verre coloré. Il n’est pas non plus exclu que la statue ait été peinte, bien qu'il n'en reste pas de trace visible.

Le dieu porte le sagum, vêtement gaulois rattaché à l’épaule au moyen d’une fibule (qui est l'ancêtre de nos épingles à nourrice). Il a un bracelet plat passé en haut du bras droit, ainsi qu'un torque au cou, gros collier ouvert, ici torsadé.

On peut imaginer le dieu assis en tailleur plutôt que debout, mais on ignore ce qu’il tenait dans les bras.
« Il est très probable que le tricéphale de Condat, comme celui d’Autun, était assis dans la posture accroupie. » selon Reinach, rapporté par Espérandieu².

Quoi qu'il en soit, cette sculpture témoigne de l’assimilation des divinités gauloises à l’époque romaine.
A découvrir dans les salles gallo-romaines du musée.

¹ Gaillard Hervé, Carte Archéologique de la Gaule, la Dordogne 24/1, Paris, 1997, p.94-95
² Espérandieu Emile, Recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine, t.II, 1908, p. 256-257 n°1316