Sortie de messe de la chapelle Saint-Joseph de Bordeaux
Don de l'Association des Amis au musée d'Aquitaine en 2013
Né en Dordogne, à Nontron, Jules, baron de Verneilh-Puyraseau, grandit dans un milieu aristocratique érudit. Licencié en Droit en 1832, il étudia à Paris avec le peintre graveur Léon Gaucherel, élève de Viollet-le-Duc et ils publièrent ensemble un album d'eaux-fortes, Le Vieux Périgueux, en 1867. Il habita toute sa vie le château de Puyraseau comme son frère Félix, archéologue et auteur de L'Architecture byzantine en France (1851), dont il illustra les écrits. Mais, si ce dernier se déplaça dans toute la France et à l'étranger, Jules s'intéressa surtout à la Gironde, au Périgord et au Limousin. Sa rencontre avec Léo Drouyn en 1846 lors du projet du Périgord pittoresque et monumental, marqua le début d'une grande amitié. En 1866, appréciant l'aisance et la justesse de son trait, Drouyn lui demanda de « bonshommer » le premier plan d'un de ses dessins, collaboration qui se répétera, Verneilh animant les dessins à la plume de son ami de petits personnages saisis dans leurs activités quotidiennes.
Jules de Verneilh a représenté la sortie de l'office religieux dominical de la chapelle Saint-Joseph, située à l'angle de la rue Sainte-Eulalie (act. rue Paul-Louis-Lande) et de la rue Magendie, en se plaçant à quelques mètres de la façade dont il ne représente que le premier niveau d'élévation, un peu en biais, coupant une partie du chaînage d'angle. S'il sait faire preuve d'une grande rigueur archéologique dans les gravures qui accompagnent ses textes historiques et ses notices descriptives très précises, ici son attention se porte plus sur l'atmosphère générale que sur le motif architectural ou topographique. Il représente l'église dans ses grandes lignes sans souci du détail ou même de la réalité, elle n'est pas le sujet du tableau mais un élément d'un décor architectural mêlant fiction et réalité où il met en scène ses personnages. Au loin, apparaissent la silhouette gris-argentée de la tour Pey-Berland, couronnée de la statue de Notre-Dame d'Aquitaine installée une vingtaine d'années auparavant, et quelques immeubles bordant les Fossés des Tanneurs. Le peintre a capté un instant de vie, peignant avec vivacité et fraîcheur les paroissiens sous les rayons du soleil matinal qui perce les nuages. Les personnages sont brossés à grands traits, les visages ne sont pas individualisés mais les attitudes sont saisies avec justesse et un simple coup de pinceau suffit à donner tout son volume au bouillonné des jupes. Sa maîtrise de l'arrangement des figures et son aisance à appréhender la vérité des gestes ont un fort pouvoir évocateur et tout le tableau bruisse des civilités échangées à la sortie de la messe.
Jules de Verneilh fait oeuvre de modernité en représentant une scène familière dans un paysage urbain. Dans ce quartier Sainte-Eulalie, en pleine transformation dans la seconde moitié du XIXè siècle, la chapelle Saint-Joseph sert de toile de fond à une représentation vivante et animée. Comme dans les instantanés photographiques contemporains fixant le « sujet sur le vif », Jules de Verneilh a saisi la bourgeoisie bordelaise élégante dans l'instant éphémère des rencontres et des conversations dominicales et nous a laissé, à travers une scène quotidienne, un portrait de société.
Catherine Bonte
Pour en savoir plus : www.amis-musee-aquitaine.com
Sortie de messe de la chapelle Saint-Joseph de Bordeaux, Jules de Vermeilh, 1884
huile sur bois, 43x51cm, Inv. 2013.2.1
© L. Gauthier, mairie de Bordeaux