Octobre 2015 - Buste de Jean-Jacques Bosc

Portrait de Jean-Jacques BOSC, un grand négociant bordelais du XIXème et homme politique. Texte rédigé par Philippe Bosc.

 

Buste de Jean-Jacques  BOSC   (1757- 1840)

( commande de la famille Bosc à D. Maggesi en 1840 )

-Acquisition du Musée d’Aquitaine de Bordeaux en 1987-

 

Jean-Jacques Bosc est issu d’une famille protestante des Monts de Lacaune dans le Tarn, dont les aïeux s’occupaient de drap que l’on tissait à partir de la laine  des moutons élevés dans cette région granitique. Son grand père Jean Bosc, de Vabre, y était  négociant et descendait à Castres pour son négoce. Dans cette ville il a placé son fils Jean-Jacques I comme apprenti chez un coreligionnaire le « maître teinturier » Mathieu Baour. Cet homme avait un fils qui partit s’employer à Bordeaux, ainsi qu’une fille Louise qu’il maria à son apprenti. Le jeune couple va prendre la succession de la petite entreprise de teinturerie de Mathieu Baour. Ils eurent huit enfants, dont Jean-Jacques II, le quatrième, qui naquit à Castres le 10 avril 1747. Il sera baptisé le 13 avril dans la religion protestante au « désert » à Espérausses, un petit village des monts de Lacaune (Ref : Registre de l’Eglise Réformée de Castres et celui d’Espérausses, aux Archives Départementales du Tarn)

C’est vers 1774, à l’âge de 16 ou 17 ans, que Jean-Jacques fils partit pour Bordeaux, vraisemblablement sous l’impulsion de cet oncle Pierre Baour, le fils de Mathieu qui s’y était installé, et qui devint négociant puis armateur, et qui ne refusa pas de prendre ce jeune garçon issu de sa parentèle, comme apprenti commis.

 

Le négociant :

Jean-Jacques fils après avoir fait, dit-on, le « saute ruisseau » entre la Chambre de Commerce de Bordeaux et les comptoirs des négociants qui se tenaient autour des quartiers de la Rousselle et de Saint Pierre, tout proche de la Garonne et de la Bourse du Commerce, se forma comme apprenti chez cet oncle Baour, et ce fut pour lui extrêmement profitable. Bientôt il fonda son propre comptoir avec l’aide de deux de ses frères, c’est ainsi que naquit un peu avant 1800, la « maison Jean-Jacques Bosc & Cie », laquelle figure dans l’Almanach du Commerce de l’an XI (1801). Ce n’était pas faire concurrence au commerce de son oncle, mais le négoce à Bordeaux, en ce XVIIIème siècle, était en plein essor, les denrées coloniales, comme le sucre, le café, les épices, l’indigo, les bois précieux, le coton, etc., arrivaient par d’innombrables navires sur le port de La Lune à Bordeaux, puis ces denrées étaient redistribuées sur toute l’Europe. Inversement, ces navires repartaient avec de nombreux ingrédients, tissus divers, farines, nourritures de toutes sortes, dont le vin, ainsi que des matériaux divers pour assurer la vie et le travail des colons et des esclaves dans les îles.

Lorsque les échanges commerciaux avec les Antilles seront en partie détruits du fait du blocus engendré par les guerres napoléoniennes, la « maison Jean-Jacques Bosc & Cie » se tournera vers le négoce du vin en direction de l’Angleterre et des Pays hanséatiques. En 1838, nous dit l’historien Paul Butel, la « maison J-J. Bosc & Cie » fait, auprès du courtier Lawton, un des plus gros achats de vins d’un montant de quelques 371 000 francs  correspondant à près de 350 tonneaux de 10 hectolitres, alors que la maison Wustenberg n’en achetait que pour  115 000 francs.

Lorsque les fils de son oncle Pierre Baour, Pierre II et Jean-Louis, sous la dénomination "Pierre Baour & Cie, participèrent de 1785 à 1792 à quelques voyages triangulaires (nb : le père étant décédé en Juillet 1780), pour approvisionner les îles en main d'œuvre noire (voir Eric Saugera : "Bordeaux Port Négrier"), le jeune Jean-Jacques Bosc arrivait dans le circuit de ce négoce au moment où l'interdiction de l'esclavage se mettait en place. D'autre part, les mises de fond, pour entreprendre ces circuits étant très élevées, devenaient hors de portée des capacités financières d'un débutant. Peut-être aurait-il pu prendre quelques participations dans cette activité ! Cependant le négoce en direct avec les Antilles devait être pour lui suffisamment rémunérateur surtout si l'on savait jouer avec le cours des marchés.

La « maison J-J. Bosc & Cie» prit son essor dès la toute fin du XVIIIème siècle. Bientôt le besoin de s’agrandir devint impératif. Il fit alors appel à l’architecte Jean-Baptiste Thiac pour construire un vaste immeuble de 5 travées abritant des chais sur caves, des bureaux en entresol, surélevés de 3 étages pour les habitations, celui du maître, ceux des enfants, et enfin ceux des commis, avec une cour intérieure, sur quatre façades, sous une vaste verrière. L’immeuble fut construit en 1807, portant le n° 29 rue du Chai des Farines, d’après l’Almanach de la Chambre du Commerce de 1807 p. 558, site Internet Gallica de la BNF (actuellement cet immeuble est au n°7). Les décors intérieurs de style néoclassique, avec statues, bas reliefs, et de nombreuses peintures tant sur les plafonds que sur les chambranles de portes ont été soigneusement conservés par les propriétaires successifs. Cette rue du Chai des Farines, qui montre bien l’origine de son négoce, est bien située, à deux pas du port sur la Garonne, et à 100 mètres de la Place de la Bourse.. 

A cette époque, son cousin Pierre II Baour, dit l’aîné, est membre de la Chambre du Commerce de Bordeaux (Almanach du Commerce de 1807). Il faudra attendre 1825 avec le changement de royauté, pour que Jean-Jacques Bosc figure comme membre de cette Chambre (voir Almanach du Commerce de 1825). La notice biographique d’Edouard Féret « Notables Girondins de l’Antiquité à la fin du XIX° siècle » nous dit que Jean-Jacques Bosc prit alors « un rang distingué dans le haut commerce ».

 

La « maison Jean-Jacques Bosc et Cie », nous dit l’historien Jean Cavignac, « va être  dissoute le 31 décembre 1826, et remplacée par une nouvelle société pour 5 ans au capital impressionnant de 2 millions 400 000 francs, avec l’entrée de deux autres de ses fils ».

            Parmi les grands négociants fondateurs de la Compagnie d’Assurances maritimes de Bordeaux créée en 1818 avec un capital de 2 millions de francs, puis refondée par Ordonnance Royale de Louis XVIII le 25 février 1820 (Cette Compagnie sera renouvelée sous Charles X le 2 mai 1827, puis encore sous Louis-Philippe le 13 mai 1834), figurent en première place, Jean-Jacques Bosc, son frère Alexis, suivi de son fils aîné Pierre.

Lors de la construction du Pont de Bordeaux, l’Etat, sous Louis XVIII, fait appel aux « Négocians et Capitalistes bordelais » en 1818 pour parachever l’ouvrage demandé par Napoléon Bonaparte. L’offre est faite par les sieurs Balguerie, Sarget et Cie et autres négociants (en tout une cinquantaine) de prêter 2 millions de francs pour son achèvement. Après la société Balguerie et Sarget, un des plus gros prêteurs est Jean-Jacques Bosc avec 100 000 francs (Bulletin des Lois n°205 du 10 avril 1818).  

Créée en 1818, par les grands négociants, la Banque de Bordeaux va admettre parmi ses régents, en 1833, le fils aîné de Jean-Jacques, Pierre Bosc.

N°7 rue Chai des Farines, à l’angle de la rue de La Vache

 

 

hall d’entrée et plafond d’une chambre

 

Jean-Jacques Bosc (1757 – 1840)

(graphisme de R.Faure)

(propriété de la Chambre du Commerce)

Jean-Jacques Bosc épousa le 23 septembre 1789, Elisabeth Julien d’une ancienne famille protestante de Castres faisant négoce à Bordeaux. Ils eurent une nombreuse famille, 10 enfants, ce qui lui permit de s’allier avec les plus grandes familles de négociants de cette ville, toutes protestantes : les Bouscasse, les Teulon, les Lacaze-Rauly, les Balguerie, les Wustenberg. Ces alliances se poursuivirent par les petits-enfants avec les Brandenburg, les Barde, les Faure, les Hottinguer, les Brown. D’autres enfants s’allièrent, l’une à un pasteur de la religion protestante, une autre à un militaire, inspecteur aux armées, Louis Bernard baron de St Affrique, un autre épousa une fille d’aristocrate de Tonneins, Frontin de Bellecombe dont le père est baron de Tayac. Enfin une des petites filles épousa en 1858 à Bordeaux Charles de Freycinet, ingénieur de l’école des Mines qui devint conseiller de Gambetta en 1870, ministre des Travaux Publiques, puis de la Guerre, et enfin Président du Conseil sous la IIIème République.

L’homme politique :

Jean-Jacques Bosc étant devenu un des plus riches bourgeois de Bordeaux, est maintenant un membre influent de la Chambre de Commerce, il s’engage dans la vie politique. Il est à cette époque, comme presque toutes les grandes familles protestantes, un orléaniste c’est à dire un conservateur libéral, d’abord sous Charles X, puis en 1830 sous Louis Philippe. Il est pour le parti de l'ordre pour permettre le retour aux affaires du négoce par la libre circulation des biens. Il est élu député de la Gironde contre le vicomte du Hamel, candidat officiel, après la démission de Ravez, promu pair de France, le 13 novembre 1829 au collège du département. Il sera réélu le 23 juin 1830 par le 1er arrondissement de Bordeaux. Sans paraître à la tribune, Jean-Jacques Bosc vota à la Chambre avec les Constitutionnels qui adoptèrent la fameuse adresse au roi, et prêta serment au gouvernement de Juillet. Il continua à participer à la vie publique en étant membre du Conseil Général de la Gironde de 1831 à 1833, et fut battu par Théodore Ducos, négociant, futur ministre de la Marine de Napoléon III.

Il décéda en 1840 dans sa résidence de campagne, son « bourdieu » du Béquet, qu’il avait fait construire à Villenave d’Ornon  vers 1815, et où il donnait de grandes fêtes, notamment pour les mariages de ses enfants et petits-enfants. 

Ce « bourdieu », sera vendu par ses petits-enfants. Et ce sera l’Etat qui le rachètera vers 1875. Après la défaite de 1870, l’Etat qui désire refondre et moderniser son armée va utiliser les terres de ce domaine pour en faire un champ de manœuvre, et les bâtiments serviront de caserne jusqu’en 1882, date où il sera transformé en hôpital militaire. Celui-ci sera baptisé Hôpital ‘‘ Robert Picqué’’ en 1936, du nom du médecin colonel affecté à cet hôpital et décédé en mission.  Seul le ‘‘château’’ du domaine sera conservé pour servir de bâtiment administratif, et dont on peut encore admirer l’architecture tout en longueur, très sobre, de pur style néoclassique. Peut-être est-il l’oeuvre du même architecte Jean-Baptiste Thiac ?

Jean-Jacques meurt le 22 novembre 1840, à l’âge de 83 ans, il sera enterré au cimetière protestant de la rue Judaïque à Bordeaux, où il a fait construire un caveau à son effigie, sculpté vraisemblablement par  Maggesi.

« SEPULTURE DE LA FAMILLE J.J. BOSC »

Lorsque l’administration haussmannienne de la ville de Bordeaux décida, de 1853 à 1857, d’abattre les murs d’enceinte de la ville pour y construire des boulevards afin d’en permettre son extension, celle-ci donna à la partie sud-est de ces boulevards qui empiètent sur  le terrain que possède, côté Bègles, la famille Bosc, le nom de son propriétaire : Jean-Jacques Bosc. Tout proche de ce boulevard, la ville de Bègles donnera également le nom de l’un de ses fils, Edouard Bosc, à l’une de ses rues.

Texte rédigé par Philippe Bosc.