Histoire de Bordeaux depuis les origines jusqu'en 1895
"Normalien, agrégé d'histoire et de géographie, membre de l'Ecole française de Rome (1880-1882), Camille Jullian séjourne un an à l'Université de Berlin où il suit les cours du grand épigraphiste et historien de la Rome antique, Theodor Mommsen, chargé par l'Académie de Berlin de la réalisation du Corpus Inscriptionum Latinarum.
En 1883, Camille Jullian débute sa carrière universitaire à la faculté des lettres de Bordeaux, comme maître de conférences, chargé d'un cours complémentaire d’histoire ancienne et d’antiquité grecque et latine. La même année il publie sa thèse latine, De protectoribus et domesticis augustorum, et en 1884 sa thèse principale, Les transformations politiques de l’Italie sous les empereurs romains, 43 av. J.-C. – 330 après J.-C.
Il est bientôt également chargé d'un cours "municipal" (hors du programme officiel) d'histoire régionale et ainsi, parallèlement à son parcours de spécialiste de la Rome antique, il amorce l'étude d'une histoire régionale.
En 1891, il obtient la chaire de professeur d’histoire de Bordeaux et du sud-ouest de la France.
Si ses premières publications sont consacrées à l'épigraphie locale, il élargit ensuite son domaine de recherche tant sur le plan chronologique que thématique, en s'appuyant sur la géographie humaine et l'archéologie. Ainsi, en 1892, il publie Gallia, tableau sommaire de la Gaule sous la domination romaine, puis en 1893 Ausone et Bordeaux. Études sur les derniers temps de la Gaule romaine et enfin, en 1895, Histoire de Bordeaux depuis les origines jusqu’en 1895.
C'est à la demande du maire Alfred Daney que Camille Jullian rédige en moins de trois ans cette Histoire de Bordeaux, achevée au 1° mai 1895 pour l'ouverture de l'Exposition Universelle de Bordeaux. Publiée avec l'appui de la municipalité, elle est luxueusement imprimée. Dessins, gravures, aquarelles et photographies sont reproduits grâce aux nouveaux procédés de phototypie et d'héliogravure.
Contreforts absidiaux de Saint-André, photographie de T. Amtmann, phototypie Petit - © Catherine Bonte
Ainsi de nombreuses cartes, vues de la ville, plans, monuments, monnaies, inscriptions ou manuscrits enrichissent le texte. Plusieurs photographes ont participé à son illustration comme Théodore Amtmann (1846-1933), Alphonse Terpereau (1839-1897) ou le médiéviste Jean-Auguste Brutails (1852-1926), l'un des premiers à utiliser la photographie dans le domaine archéologique et qui s'était constitué une très importante documentation iconographique. L'auteur dresse un tableau de la ville, ses institutions politiques, religieuses, les réalisations monumentales, la vie culturelle en définissant quatre périodes.
La première partie, la période gallo-romaine commence par un chapitre sur les origines physiques et politiques (les routes et le sol, les Aquitains, les Bituriges Vivisques et la conquête romaine) et se termine avec les invasions normandes.
Et enfin, la Nation, dernière période qui s'étend de 1789 à 1895. Cette vaste fresque historique s'achève ainsi sur les transformations sociales, les progrès matériels et les travaux d'embellissement de la ville à la fin du XIXe siècle.
Pl. XXIII. Bordeaux sous Louis XVI, après les grands travaux des intendants (détail) - (représentation de la place Louis XVI qui devait être édifiée sur l'emplacement du château Trompette après sa démolition) -Dessin de Dukacinski, gravure d'Erhard - © Catherine Bonte
La seconde partie est la période gasconne. Elle débute en 877 avec les ducs de Gascogne et se clôt avec la conquête française et la capitulation de 1453.
La troisième partie, la royauté française, retrace l'histoire de la ville jusqu'à la Révolution.
En 1905, le Collège de France crée pour lui la chaire d'Antiquités nationales et dès lors, il se consacre totalement à l'histoire de la Gaule. Avec sa gigantesque Histoire de la Gaule en huit volumes, parus entre 1907 et 1926, Camille Jullian a rédigé le premier véritable ouvrage complet et présente l'histoire des relations avec Rome sous un angle nouveau, en inversant la perspective. La Gaule n'est plus seulement une province romaine mais la riche histoire des gaulois devient un objet d'étude à part entière.
Il repose dans le cimetière protestant de la rue Judaïque, aux côtés de sa femme Madeleine, fille du médecin bordelais Eugène Azam, qu'il avait épousée en 1890."
Texte de Catherine Bonte, association des Amis du musée d'Aquitaine