Table ronde | Rappelle-toi Barbarba

Des femmes racontent la Seconde Guerre mondiale
Samedi 16 Septembre 2023, 15:30

Rencontre entre l'historienne Annette Wieviorka et l'artiste Maureen Ragoucy, autour d'une proposition documentaire articulée entre récits singuliers et histoire collective de la guerre au féminin. Animée par Nicolas Patin, maître de conférence à l'université Bordeaux Montaigne. Entrée libre

Elles étaient enfants, jeunes filles ou adultes… aujourd’hui, ces femmes nous racontent leurs souvenirs de la Seconde Guerre mondiale : s’exiler, résister, s’enfuir du ghetto, vivre l’emprisonnement, la déportation, la perte d’êtres chers, mais aussi l’insouciance et la légèreté malgré l’horreur, la vulnérabilité et les souffrances. En ne cédant ni à la peur ni à la soumission, leur vie est passée de l’ordinaire à l’extraordinaire.

Rappelle-toi Barbara est un projet qui est né à la suite d'un mythe familial. La grand-mère de l'artiste se faisait appeler Barbara dans les années 1940 et vivait à Brest, au moment où Jacques Prévert écrit le poème Barbara. La motivation de Maureen Ragoucy à travailler sur le point de vue des femmes vient du constat d’avoir souvent entendu des récits au masculin. Les femmes, quand elles racontent, ne se mettent pas en avant, ont une expression d’humilité, on ne trouve pas dans leurs récits de héros ou d’exploits incroyables. Quand elles se décident à parler, elles parlent souvent des autres, disent rarement « je », plus souvent « nous », et les mots qu’elles emploient sont leurs mots, empreints de leur vécu. Maureen Ragoucy a voulu transmettre un autre aspect de la guerre, au féminin. Restituer aux femmes la place qu'elles ont eue. Avec leurs paroles, leurs gestes, le langage de leurs corps, elles sont filmées chez elles, dans leur intimité. Elles ont construit leurs propres mises en scène. Face caméra, de façon frontale et directe, toujours dans leurs langues. Les entretiens conservent ainsi leur pouvoir d’identification culturelle, propre à chacun des pays. Avec leurs témoignages pour la première fois livrés, des femmes se révèlent héroïnes invisibles. D’autres ont un discours déjà rodé par la narration dans des contextes familiaux, scolaires ou associatifs. L'évocation des souvenirs interroge alors la notion de mémoire et agit comme une renaissance du passé. Se remémorer, est-ce se replonger dans sa vie de jeune fille, revivre un instant son passé, ou mener une réflexion plus distanciée sur le souvenir ?

Maureen Ragoucy
Le travail que Maureen Ragoucy développe est traversé par les notions d’histoire, de mémoire, de déplacement et d’exil. Par une approche documentaire, l'artiste questionne les identités plurielles relatives aux territoires, la façon dont les communautés interagissent avec leur environnement et les héritages mémoriels, culturels, familiaux, linguistiques encore présents. Au coeur du processus de création, et selon une méthode de travail formelle et rigoureuse, elle invente des dispositifs autour du déplacement et de la pérégrination. Les règles qu'elle s’impose constituent des prétextes à la rencontre, dont l’appareil photographique ou la caméra servent de passeport. Par l’écoute attentive, elle instaure une relation de confiance avec ses interlocuteurs et prend conscience de sa propre extranéité. L’objectif isole le regard de l’autre, sa particularité, sa singularité, son originalité, quand l’enregistrement des entretiens relève de l’invisible, du hors-champ. Ce qui l’anime, c’est de faire dialoguer les images avec les récits qu'elle recueille.

L'exposition est à retrouver place Gambetta du 11 septembre au 1er octobre 2023.

Ce projet est soutenu par le musée d’Aquitaine et la Mission égalité de la Ville de Bordeaux.

Kikuno Fukahori © Maureen Ragoucy

Kikuno Fukahori © Maureen Ragoucy